Quand la Justice Rétablit la Protection : un arrêt important de la CNDA

La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a récemment rendu une décision particulièrement éclairante sur l’articulation entre protection internationale et ordre public, à travers une affaire opposant un ressortissant afghan à l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides).

CNDA, 28 mai 2025, n°24051936

Un contexte personnel et judiciaire complexe

L’homme, bénéficiaire depuis 2017 de la protection subsidiaire en raison du conflit armé sévissant dans sa province natale afghane de Nangarhar, s’est vu notifier par l’OFPRA une fin de protection en novembre 2024. Cette décision faisait suite à une condamnation pénale pour des faits de violence conjugale survenus en 2022. L’Office considérait que cette infraction constituait une menace grave pour la société française, justifiant la cessation de la protection.

Le concerné, défendu par le cabinet, a cependant présenté un argumentaire étoffé : faits isolés, absence de récidive, démarche de réinsertion, respect de ses obligations parentales, emploi en contrat à durée indéterminée, et suivi psychologique en cours. Il invoquait également l’absence d’avocat en garde-à-vue malgré sa demande, l’absence de convocation à son audience, l’absence de signification du jugement initial et ses craintes en cas de retour, notamment en raison de son occidentalisation et du climat sécuritaire toujours tendu dans sa région d’origine.

Une appréciation rigoureuse par la Cour

La CNDA, dans sa décision du 28 mai 2025, a rappelé que la simple existence d’une condamnation pénale ne suffisait pas, en soi, à justifier la fin de la protection subsidiaire. L’évaluation devait prendre en compte l’ensemble du comportement du demandeur, le temps écoulé depuis les faits, les efforts de réinsertion, et les risques effectifs liés à un éventuel retour dans le pays d’origine.

La Cour a jugé que les faits reprochés, bien que graves, étaient ponctuels et non suivis d’autres infractions. Elle a relevé l’absence de menace actuelle sérieuse, tant au regard du suivi social que de l’insertion professionnelle du requérant. Elle a donc annulé la décision de l’OFPRA et maintenu le bénéfice de la protection subsidiaire.

Un signal fort en faveur de l’individualisation des cas

Cette affaire met en lumière la complexité des équilibres à trouver entre sécurité nationale et respect des engagements internationaux en matière d’asile. Elle rappelle aussi que derrière les textes de loi, il y a des personnes, des trajectoires, des drames et parfois, des rédemptions.

Dans une époque marquée par des tensions autour de la migration, la décision de la CNDA constitue un exemple de la rigueur et de l’humanité qui peuvent coexister dans le traitement du droit d’asile. Elle invite à une lecture nuancée des situations, loin des automatismes, et recentre le débat sur la dignité humaine et la possibilité de seconde chance.