SOCIAL – La récusation au conseil des Prud’Hommes

Cour d’Appel de Nancy, Chambre sociale, 20 juin 2014 – RG 14/0143

Commentaire :

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial. Cette exigence doit s’apprécier objectivement.

Dans un litige tendant à voir déclarer une créance salariale fondée, le conseil des Prud’Hommes s’est prononcé, à la demande de deux salariés, et en la forme des référés, sur le caractère non sérieusement contestable d’un transfert du contrat de travail.

Un troisième salarié, au fond, demande à voir déclarer sa créance salariale fondée. Les deux premiers salariés sont appelés dans la cause à la demande du défendeur.

 

La Cour reconnaît que le potentiel employeur était fondé à récuser, à l’audience du Conseil de prud’hommes d’Épinal, deux des conseillers prud’hommes qui siégeaient au fond, aux motifs qu’ils avaient déjà siégé dans les affaires en référé concernant les mêmes défendeurs.


Extrait de l’arrêt :

 

A l’audience du Conseil de prud’hommes d’Épinal du 24 avril 2014, la Commune E. a récusé, par déclaration à l’audience, deux des conseillers prud’hommes qui siégeaient, en la personne de MM. Y et Z, aux motifs qu’ils avaient déjà siégé dans les affaires en référé concernant les mêmes défendeurs.

Les deux conseillers visés ont fait connaître par note déposée au greffe du Conseil de prud’hommes le 29 avril 2014 qu’ils s’y opposaient en ce que les demandeurs et défendeurs à l’action au fond ne sont pas les mêmes que dans lesdites affaires de référé, la seule intervention forcée de deux parties à ces instances, qui n’ont pas fait connaître de demandes, ne pouvant suffire à fonder la récusation. Ils sollicitent chacun la condamnation de l’auteur de la récusation à leur payer la somme de 500 € de dommages et intérêts.

Par avis du 23 mai 2014, le Ministère public s’est déclaré défavorable à l’admission de la demande, en ce que les juges en cause ne se sont pas prononcés sur une affaire concernant les mêmes parties et qu’y faire droit désorganiserait les juridictions en ce qu’il faudrait écarter du jugement des affaires, tout conseiller qui aurait eu à connaître du problème juridique litigieux.

(…)

Attendu qu’aux termes de l’article L 11-6 du Code de l’organisation judiciaire, la récusation d’un juge peut être demandée s’il a précédemment connu de l’affaire comme juge ;

 

Attendu que la récusation est régulière en la forme pour avoir été formalisée oralement dans les conditions prévues par l’article 344 du Code de procédure civile par un avocat muni d’un pouvoir spécial ; que le caractère imprécis de celui-ci en ce qu’il visait la récusation des conseillers du conseil des prud’hommes d’Épinal, sans plus de précision, n’entache pas d’irrégularité la procédure en ce qu’elle permettait au mandataire d’agir avec souplesse en fonction des conseillers présent à l’audience qu’il jugeait concernés par le soupçon de partialité invoqué ;

 

Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que cette exigence doit s’apprécier objectivement ; qu’il en résulte que lorsqu’un juge a statué en référé sur une demande tendant à voir déclarer une créance salariale fondée à raison du transfert non sérieusement contestable d’un contrat de travail à celle-ci, il ne peut ensuite statuer sur le fond du litige afférent à cette obligation ;

 

Attendu que l’appel dans la cause apparemment recevable de Mmes B. et C. sur le fondement du second alinéa de l’article 330 du Code de procédure civile est destiné à faire trancher à leur égard la question du transfert de leur contrat de travail de la l’association R. à la Commune E. ; qu’il s’ensuit que le juge des référés qui s’est déjà prononcé sur le transfert de ce contrat de travail du chef de deux salariées ne saurait ensuite statuer au fond sur ce transfert entre les mêmes employeurs successifs, à l’égard des mêmes salariées, fussent-ils seulement appelés en cause ;

 

Attendu que la récusation est donc fondée ;