CA de Nancy - 5 mai 2022 - N° RG 21/1675
Dans ce dossier, le locataire d’un Office Public de l’Habitat (OPH), suite à la découverte de la présence d’amiante dans son logement, décida de le quitter, sans résilier le bail, et en y laissant ses effets personnels.
Les diagnostics réalisés sur le logement démontreront :
- que les matériaux entrent dans la catégorie des « matériaux non dégradés » soumis à « évaluation périodique » eu égard à un risque de dégradation faible.
- que la concentration de fibre d’amiante par litre d’air relevée est de 0.3 fibre dans la salle de bain et est inexistante dans les autres pièces du logement.
Il convient de rappeler que le code de la santé publique soumet à évaluation période le logement lorsque « le niveau d’empoussièrement mesuré dans l’air (…) est inférieur ou égal à la valeur de cinq fibres par litre » et à des travaux de confinement ou de retrait au delà de ce seuil.
Pour autant, après avoir rappelé ce seuil le Tribunal judiciaire d’Épinal considère que l’Office Public de l’habitat a manqué à son obligation de délivrer un logement décent, du seul fait de la seule présence de 0.3 fibres d’amiante dans l’air dans la salle de bain du logement :
Pour autant, ce seuil réglementaire ne signifie pas que toute concentration inférieure de fibres d’amiante dans l’air n’est pas nocive pour la santé des individus. Le risque découlant d’une exposition à l’amiante dépend de l’intensité de l’exposition, mais également de la quantité de fibres d’amiante inhalées, de la durée de l’exposition et de sa fréquence. La seule présence de fibres d’amiante dans l’air d’un local d’habitation, au sein duquel son occupant est amené à y passer un temps non négligeable, est incompatible avec l’obligation du bailleur de délivrer un logement ne présentant pas de risques manifestes pour la santé des locataires.
Dès lors, Madame X rapporte la preuve du manquement de l’office public de l’habitat Y, à son obligation de lui délivrer un logement décent.
Tribunal Judiciaire d’Epinal – 24 juin 2021 – N° RG 11/20/000144
Une telle décision serait lourde de conséquence pour les bailleurs, en classant dans la catégorie des logements indécents, l’ensemble des logements comportant des fibres d’amiante. Selon l’Union Sociale de l’Habitat, en France, se serait 15 millions de logements concernés dont 3 millions de logements sociaux.
En réalité, il ne m’appartient pas, pas plus qu’à la juridiction judiciaire, de déterminer le seuil acceptable d’amiante dans les logements. Cette tâche échoit au législateur avec l’aide des professionnels de santé. Ainsi, fort logiquement, la Cour d’Appel en appliquant les textes du code de la santé publique infirma le jugement déféré en toutes ses dispositions :
Aussi, le bailleur n’était soumis, eu égard au résultat des mesures effectuées dans l’appartement occupé par Mme X, à aucune obligation de faire procéder à des travaux de confinement ou de retrait de l’amiante.
Dès lors, le premier juge ne pouvait indiquer que “ la seule présence de fibres d’amiante dans l’air d’un local d’habitation au sein duquel son occupant est amené à y passer un temps non négligeable, est incompatible avec l’obligation du bailleur de délivrer un logement ne présentant pas de risques manifestes pour la santé des locataires”.
Par suite, il n’y a pas lieu de condamner l’OPH Y à prendre en charge le coût de la décontamination des effets personnels de Mme X et à procéder au remplacer des meubles meublants ne pouvant l’être, de même qu’à rembourser à Mme X le coût du constat dressé par ministère d’huissier le 1er août 2019 et celui du diagnostic amiante.
Cour d’Appel de Nancy – 5 mai 2022 – N° RG 21/1675